Abstract WP08-11

Stéphane Zuber, Antoine Bommier, Jérôme Bourdieu, Akiko Suwa-Eisenmann. "Le développement des transferts publics d’éducation et d’assurance vieillesse par génération en France : 1850-2000".

Le système public de retraite par répartition est un pilier de l’Etat Providence en France. Il se traduit par des transferts financiers des générations jeunes et actives vers les générations plus âgées et inactives. Longtemps donné pour l’expression même de la solidarité entre générations, ce système est aujourd’hui vivement critiqué tant dans le monde politique que par certains économistes, notamment parce que certaines générations bénéficieraient de retraites qu’elles n’auraient pas eu à financer, en en faisant porter le poids sur les générations plus jeunes. Or, en ne considérant que les transferts ascendants des jeunes vers les plus âgés, on oublie que la solidarité intergénérationnelle s’exprime aussi à travers des transferts descendants, notamment, des transferts d’éducation. C’est pourquoi le bilan net de la solidarité intergénérationnelle doit être considéré sur l’ensemble du cycle de vie de chaque génération en prenant en compte tous les transferts versés et perçus au cours du temps. Ce qui est reçu sous forme d’éducation pendant l’enfance vient s’ajouter aux ressources obtenues en fin de vie et doit être mis en balance des cotisations verses durant la période d’activité. Cet argument est conforté par les travaux de théorie économique initiés par Becker et Murphy (1988), qui montrent que, loin d’être une source d’inefficacité, les transferts ascendants peuvent être un moyen de pallier les inefficacités liées aux dysfonctionnements du marché conduisant à un investissement éducatif insuffisant de la part de jeunes n’ayant pas accès au marché du crédit. Lorsqu’elle vient à recevoir des retraites, chaque génération ne fait qu’obtenir la juste contrepartie des efforts qu’elle a consentis autrefois pour financer les retraites de la génération précédente mais aussi l’éducation de la génération suivante, selon une logique de réciprocité indirecte dont elle avait également bénéficié auparavant.

Cet article est un premier pas vers un examen empirique du modèle théorique de Becker et Murphy, en mesurant les transferts publics entre générations depuis le milieu! $du 19e siècle, pour quelques-unes des politiques les plus importantes quantitativement, soit ici, dans un premier temps, les dépenses vieillesse et les dépenses d’éducation. En l’absence de séries temporelles longues sur les transferts ascendants et descendants, une grande partie de notre tâche a consisté à reconstituer les données permettant de calculer les bénéfices reçus et taxes payées chaque année par chaque classe d’âge au titre des transferts publics d’éducation et de retraite au cours du siècle et demi passé. Ces données sont ensuite agrégées pour donner une mesure synthétique des transferts selon une méthode qui s’apparente à celle des travaux de comptabilité générationnelle initiés par Auerbach, Kotlikoff et Gokhale (1991). Nous pouvons ainsi quantifier l’ampleur de la redistribution intergénérationnelle. Pour la plupart des générations, les transferts semblent avoir modifié le revenu de cycle de vie de plusieurs points de pourcentage. De plus, nous montrons que les generations qui ont le plus reçu de transferts ne sont pas, comme on le pense généralement, celles des années 1930-1940, mais celles qui sont nées vers 1915. Si l’on fait abstraction des pertes mineures subies par les générations nées avant 1870, ce n’est qu’avec les générations nées après 1940 que le solde net devient négatif. Avant 1940, le développement des transferts ascendants fait en effet plus que contrebalancer les pertes qu’auraient subies les générations 1880-1940 en conséquence du développement des transferts d’éducation. Si les générations nées après 1940 perçoivent un solde négatif, celui-ci reste modéré. Il est donc raisonnable de penser que ce que leur coûtent les transferts intergénérationnels est faible en comparaison de ce que leur a apporté la croissance économique liée au développement de l’éducation. L’argument d’une complémentarité entre transferts ascendants et descendants semble ainsi plausible au vu des données empiriques brutes que nous présentons. Ainsi, les questions d’équité relatives aux transferts intergénérationnels ne peuvent être abordées en étudiant isolément le cas de chaque type de transfert. La solidarité intergénérationnelle est un ensemble dont l’équilibre, ou le déséquilibre, ne peut être perçu en se focalisant uniquement sur les retraites ou l’aide aux personnes âgées.

Download: ZBBS 2008

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